Né à Pointe à Pitre, Alain Jean-Marie aborde le piano en autodidacte et effectue ses débuts professionnels à l’adolescence, dans les bals des Antilles. Établi à Paris à partir de 1973, il accompagne bientôt de nombreux solistes, notamment Hal Singer, Bill Coleman, Chet Baker, Sonny Stitt, Art Farmer, Slide Hampton, Johnny Griffin et Clark Terry. Enregistrant par ailleurs avec Lee Konitz, Charles Tolliver, Harry Edison, Eddie “Lockjaw” Davis, Cat Anderson, Abbey Lincoln, il reçoit en 1979 le Prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz. En 1986 débute une longue collaboration avec le grand saxophoniste Barney Wilen ; son nom figure de fait sur nombre d’enregistrements majeurs du musicien jusqu’à sa disparition en 1996. En 1988, il signe Latin Alley, un magnifique album en duo avec le géant de la contrebasse Niels Henning Ørsted Pedersen. Suivent en 1991 deux disques intemporels en compagnie d’un autre poète du piano, Michel Graillier : Portrait in Back and White (EmArcy), et Oiseaux de Nuit (Le Chant du Monde). L’année suivante, il est de nouveau plébiscité par la critique pour deux albums rares : Biguine Reflections, où il retrouve la superbe inspiration de ses racines antillaises, et Dreamtime, en duo avec Barney Wilen, salué par Télérama comme le meilleur disque de jazz de l’année. Au fil de trois nouveaux albums – Biguine Reflections 2 (1996), 3 (1998) et 4 (2000), il continue d’explorer le répertoire des biguines traditionnelles et contemporaines avec le bassiste guadeloupéen Eric Vinceno et le batteur/percussionniste martiniquais Jean-Claude Montredon. À partir de 2001, le trio s’associe au Caratini Jazz Ensemble pour Chofé Biguine La, première relecture en grande formation du patrimoine antillais orchestrée par Patrice Caratini. Dans la continuité de ce retour aux sources, Alain Jean-Marie élabore avec Daniel Maximin un spectacle piano/voix sur des textes originaux de l’écrivain et poète guadeloupéen. Il participe également à plusieurs projets avec d’autres jazzmen nés ou résidant en Guadeloupe, notamment le guitariste André Condouant (Clean & Class, 1997), le percussionniste Roger Raspail (Fanny’s Dream, 1997), ou le saxophoniste canadien Jocelyn Ménard (Men Art Works, 2002). En 2002, il enregistre à New York sous la direction du trompettiste Franck Nicolas Jazz Ka Philosophy, un disque manifeste qui fédère les langages du jazz et du gwoka en réunissant les meilleurs improvisateurs et les grands maîtres du ka, qui tous témoignent de l’extrême vivacité des courants issus des échanges créatifs entre les îles et toutes les cultures du monde. Aujourd’hui encore, au fil de multiples expériences qui continuent de nourrir son inspiration, le territoire de prédilection d’Alain Jean-Marie reste le bebop, ce qui l’amène à privilégier l’art du trio avec ses partenaires de longue date, le contrebassiste Gilles Naturel et les batteurs John Betsch ou Philippe Soirat. Il développe parallèlement un travail en solo, dont témoigne un premier CD, Afterblue (“Choc du Mois” du Monde de la musique, Choc Jazzman et “ffff” de Télérama) pour lequel il reçoit en 1999 le Prix Boris Vian de l’Académie du Jazz (meilleur disque de jazz français), et en 2000 le Django d’Or qui récompense le musicien de jazz français de l’année. Son dernier album solo, That’s What, paraît en 2004. En 2008, le DVD Alain Jean-Marie dans la collection Jazzmen aujourd’hui reçoit le Prix “Coup de cœur” de l’Académie Charles Cros. En 2009, Universal réédite en coffret le solo Afterblue, et Lazy Afternoon en trio avec Gilles Naturel et John Betsch. Sollicité par de nombreux musiciens et chefs d’orchestre, Alain Jean-Marie se consacre désormais à deux nouvelles formations qui lui tiennent particulièrement à cœur : le Tropical Jazz Trio avec Patrice Caratini et le percussionniste Roger Raspail, Prix Coup de Cœur Jazz et Blues de l’Académie Charles Cros 2019, et son duo avec le contrebassiste Diego Imbert, Interplay – The Music of Bill Evans. L’album éponyme reçoit en 2019 le Prix du Disque Français de l’Académie du Jazz.
En 2021, les Victoires du Jazz décernent à Alain Jean-Marie une Victoire d’Honneur pour l’ensemble de sa carrière. Tous ceux qui suivent depuis longtemps son parcours ne peuvent que se réjouir de la reconnaissance amplement méritée de son talent singulier. Personnage aussi discret qu’inspiré, d’une immense culture jazzistique, il possède en effet la subtilité harmonique, l’assise rythmique, l’amour de la phrase mélodique et le sens du toucher qui sont la marque des grands pianistes. Et le distinguent à l’évidence comme un des solistes majeurs de la scène européenne.